Si un jour, je devais me transformer en réalisatrice, je ferais bien un film sur un homme méconnu, mais qui a changé la vie de toute une communauté: L’abbé de l’Épée.
Pendant longtemps, les sourds, isolés, n’ont pu enrichir leurs langues signées et ont dû se contenter d’une gestuelle simpliste ; de ce fait, ne disposant pas d’une langue élaborée, ils passaient parfois pour simples d’esprit. C’est dans les familles de sourds qu’ont pu s’élaborer les premiers fondements de la LSF, et c’est en se regroupant que les sourds ont pu enrichir leur langue.
L’abbé Charles Michel de l’Épée fut, en 1760, le premier entendant connu à s’intéresser aux modes de communication des « sourds-muets ». En observant un couple de jumelles sourdes communiquer entre elles par gestes, il découvre l’existence d’une langue des signes. Il décide alors de regrouper les enfants sourds pour les instruire. Il apprend lui-même la langue des signes grâce à ses élèves et démontre les progrès obtenus jusque devant la Cour de France. C’est ainsi qu’il peut ouvrir une véritable école pour sourds qui deviendra l’Institut national des jeunes sourds, aujourd’hui Institut Saint-Jacques, à Paris. À la mort de l’abbé de l’Épée en 1789, l’abbé Sicard lui succède et tente d’imposer un langage gestuel conventionné et agrémenté d’une grammaire de « signes méthodiques » qui sera abandonné par la suite.
Cependant, les oralistes considèrent que les sourds doivent apprendre à parler pour s’intégrer dans la société. Le congrès de Milan en 1880— où l’immense majorité des participants est entendante — décrète l’abandon de la langue des signes dans l’enseignement. Trois raisons sont invoquées : la LSF n’est pas une vraie langue, elle ne permet pas de parler de Dieu, et les signes empêchent les sourds de bien respirer, ce qui favorise la tuberculose. Cette interdiction dure près de cent ans, pendant lesquels les professeurs sont entendants et utilisent exclusivement la méthode oraliste. Cependant, malgré l’interdiction de signer en classe, la LSF ne disparaît pas, les sourds se la transmettant de génération en génération, la plupart du temps pendant la récréation.
Dans cette époque, il faut surtout mentionner Ferdinand Berthier (1803-1886): « Militant culturel de la LSF« , comme il aimait lui même à se caractériser. Cet infatigable militant fut longtemps méconnu.
En 1991, la loi Fabius favorise le choix d’une éducation bilingue pour les sourds : LSF et le français écrit et oral. La Loi n°2005-102 du 11 février 2005 reconnaît la LSF comme « langue à part entière ». Aujourd’hui, des instituts — certains privés — ou des associations ont de nouveau intégré la LSF dans leur enseignement. Les professeurs sourds ne sont pas reconnus de façon officielle par l’Éducation nationale : les professeurs entendants signent, aidés par des éducateurs sourds.
Il n’y a pas de langue des signes universelle. Elle est cependant en formation par les associations de langue des signes mondiales. Mais, entre les différentes langues signées, la grammaire présente des similarités qui les distinguent des langues parlées, mais le vocabulaire diffère grandement. Il existe par exemple la langue des signes américaine (ASL), la langue des signes britannique (BSL), la langue des signes belge (langue des signes de Belgique Francophone, LSFB), la langue des signes québécoise (LSQ), etc.
La langue des signes américaine est proche de la LSF, avec une similarité lexicale de 43 % sur une liste-type de 872 mots. Ceci est dû à l’influence de Laurent Clerc sur Thomas Hopkins Gallaudet, le fondateur aux États-Unis de la première école pour les enfants sourds en Amérique et dont le fils Edward-Miner Gallaudet fonda ensuite à Washington le Gallaudet College qui devint la seule université enseignant en Signes.
Il existe un dialecte de la LSF, la langue des signes de Marseille, utilisée par un millier de personnes à Marseille, Toulon, La Ciotat et Salon de Provence. On la retrouve dans l’enseignement de la seule école du Togo utilisant les signes.
La langue des signes européenne est une langue fusionnée à partir des sourds multi–linguistes en Suisse (allemand, italien, français et romanche) ; la langue des signes espagnole et autre langues comme l’anglais semblent rejoindre cette nouvelle langue des signes européenne en fusionnant grâce à la langue des signes internationale.
A lire: Des signes et des mots, le blog très intéressant d’un interprète LSF !